Félicitations pour avoir rejoint le répertoire des artistes MASC ! Vous proposez un tel éventail de programmes en anglais et en français, de la poésie au théâtre, de la musique au théâtre d’ombre. Comment est-ce que toutes ces disciplines artistiques sont venues s’intégrer dans votre parcours ?  

Ahhhh….quand on est artiste, et qu’on a pas de grands moyens financiers pour faire des vidéos, on fait des découvertes sensationnelles en utilisant les moyens du bord!  Marionettes, décors de carton, théâtre d’ombre font partie de ces découvertes. J’ai expérimenté, j’ai testé, j’ai appris…et je veux partager toutes ces découvertes avec les clients de MASC. Pour la poésie et l’écriture de chansons, c’est une passion qui m’habite depuis que je suis toute petite parce que j’ai écrit ma première chanson à l’âge de 11 ans. Je crois être devenue une “maître” de mots: je les ai apprivoisés au fil des années.


Nous avons hâte de célébrer la Journée des Franco-Ontariennes et des Franco-Ontariens le 25 septembre. Vous faites carrière en musique depuis longtemps en Ontario français, et vous connaissez très bien les artistes qui ont forgé les fondations de la musique franco-ontarienne. Quelles sont les choses que la plupart des gens ne savent pas sur les racines de cette musique? 

Quand la chanson franco-ontarienne s’est développée, il y avait deux foyers de création qui étaient différents de par leur géographie, mais aussi de par leurs circonstances et leurs créations.  Donc, y’a eu de l’effervescence dans la région d’Ottawa, et dans le nord- dans la région de Sudbury. On parle plus souvent du nord que du reste quand on parle de l’histoire de la chanson franco-ontarienne.  Peut-être était-ce à cause de la différence de leurs créations respectives.  La première chanson franco-ontarienne qui a eu une reconnaissance internationale était une chanson d’une artiste de la région d’Embrun, Monique Brunet, qui a gagné la palme du festival de Spa en Belgique vers 1967.  C’était peut-être une femme la première franco-ontarienne reconnue pour ses chansons! (Pour un peu de perspective: Paquette est arrivé dans les années 1970, CANO en 75, Paul Demers et Purlaine en 78).

Dans votre biographie, vous dites que vous êtes particulièrement intéressé par le jazz et la polyrythmie. La plupart des gens savent ce qu’est le jazz ! Mais comment décririez-vous la polyrythmie et pourquoi vous y intéressez-vous ?

En fait, je vais préciser que les gens connaissent mal le jazz et l’associent par défaut au free jazz—des accords parfois ténus et dissonants, et peu de structure apparente et des solistes un peu fous et virtuoses.  Mais dans le jazz chanté, force oblige, il faut avoir une structure et un ordre relatif.  En plus, écrire du jazz en français, c’est difficile à cause de la prosodie- la façon dont les mots et la cadence du texte doivent épouser la rythmique et la mélodie.   La polyrythmie, c’est la superposition de rythmes qui fait place à des syncopes et souvent le “swing” du jazz: ce sont des rythmes plus complexes mais super intéressants!  Les grands jazzmen (Stan Getz, Charlie Byrd, Herbie Mann, Gillespie, Goodman, Hawkins, Brubeck etc.) ont tous fait des incursions vers les rythmiques brésiliennes, cubaines, martiniquaises et africaines parce qu’elles sont composées de polyrythmes et que ça leur donnait des idées de plus pour développer d’autres formes de jazz.

En tant qu’artiste MASC, que gagnez-vous à proposer vos ateliers dans les écoles et dans la communauté? Comment le travail avec les élèves a-t-il inspiré votre pratique générale? 

De nature, je suis une personne qui aime beaucoup l’esprit du partage et la médiation culturelle, donc c’est naturel de le faire sous forme d’ateliers.  J’aime constater les déclics, accompagner l’exploration et le développement de nouvelles habiletés avec les participants.  Et en général, j’ai un atout “magique” pour aider les participants dans leur création, pour qu’ils soient fiers de ce qu’ils accomplissent. 

Pourquoi pensez-vous qu’il est important pour notre communauté locale d’avoir accès à des artistes professionnels?

L’art sous toutes ses formes est à la fois un moyen socialement acceptable d’extérioriser un vécu ou un ressenti, et c’est aussi un endroit où l’exploration, la découverte et la connectivité sont permises.  (Y’a moins de formatage dans les arts que dans les mathématiques ou le résultat final est dirigé, exigé et où il n’y a qu’une seule réponse possible.  Mais comme tout fait partie de tout, les maths, ça peut être utile pour créer… ) L’inspiration et la création est à la portée de tous.  C’est malheureux que les systèmes (gouvernements) n’accordent pas une place importante aux arts ou à l’expression: on constate que ça devient une aventure solitaire (un élève qui prend des cours de musique ou d’art) plutôt que des activités fédératrices ou des projets de communautés, des bouillons de création et des projets qui n’entrent pas dans les cases!