Cette entrevue a été originellement publiée sur Le Pressoir

Marc Walter est un artiste qui travaille en art environnemental. Il se sert des paysages et des éléments de notre Terre comme palette pour créer des œuvres qui mettent à nu les émotions des sites sur lesquels il travaille. Il cherche à comprendre comment la création d’une œuvre sur un site particulier modifie la réponse émotionnelle d’un visiteur sans perturber les équilibres naturels qui existent. Marc fait vivre à ses participants toutes les étapes du processus de création et met l’accent sur le plaisir de travailler en symbiose avec la nature. 

Dans cette entrevue, Marc explique la façon dont le paysage influence la création d’œuvres d’art ainsi que la manière dont ces œuvres transforment à leur tour le paysage.

Beaucoup de vos œuvres d’art sont orientées vers une relation envers l’environnement. Comment votre rapport à la nature et à l’art a-t-il changé au cours de la pandémie? 

Marc : Mon travail artistique est autant en relation avec l’environnement qu’avec les humains. Autrement dit, il permet aux gens de se connecter à eux-mêmes et entre eux, que ce soit lors de rencontres physiques directement sur les sites ou par l’intermédiaire de traces laissées sur les œuvres. Ma démarche artistique me semble d’autant plus importante en période de pandémie, tandis que les malaises psychologiques et les stress sont si importants. J’ai notamment créé de toutes petites œuvres et des structures anonymes dans le village où j’habite et dans le secteur de notre chalet pour permettre aux citoyens de découvrir de nouvelles touches visuelles dans leur environnement, d’y participer et d’échanger par la même occasion. Mes interventions visent à réveiller les sens et à rappeler que la créativité existe en chacun.e de nous.

Marc1.jpeg

Votre travail a été présenté dans des galeries ainsi que dans le cadre d’événements artistiques en plein air. En quoi votre approche envers la création artistique change-t-elle par rapport au lieu où elle sera présentée?

Marc : Chaque création tient compte du site : quelles en sont les caractéristiques physiques, les dimensions, l’échelle, les matières présentes, les lignes d’horizon ou les vues depuis des fenêtres? Quel est le contexte social, la manière d’arriver et de partir, l’utilisation habituelle du lieu? Tout cela est pris en compte pour arriver à révéler des émotions et encourager le visiteur à en vivre en fonction de son humeur; le visuel, les sons existants et artificiels, les odeurs à sentir, les textures à découvrir, etc.

Pourquoi pensez-vous qu’il est important pour notre communauté locale d’avoir accès à des artistes professionnels?

Marc : Nous servons de modèles pour rappeler que des artistes professionnels existent dans la société et que c’est un métier extrêmement important. Nous rappelons à toutes et tous que la créativité est le moteur d’une vie intéressante et que chacun.e a cette créativité en soi. Ma démarche particulière permet de développer un lien avec le communautaire, une fierté dans la création d’œuvres collectives souvent monumentales et la conscience d’une liberté dans l’expression de cette créativité dans la société. Nous offrons aussi du temps de réflexion créative et nous servons de rappel des possibilités artistiques au corps enseignant qui manque parfois de temps pour le réaliser.

Marc Walter kidz.jpeg

Vous proposez une résidence scolaire par le biais de MASC pendant laquelle vous travaillez avec des élèves de la maternelle à la 12e année pour créer une installation artistique. Pouvez-vous nous parler de certaines des œuvres d’art qui sont le fruit de ces résidences? 

Marc : Certainement, voici trois exemples récents :

1) Le mois dernier, j’ai travaillé avec des élèves du primaire pour créer des planètes faites de branches auxquels de minuscules peintures et textes ont été ajoutés. Les planètes ont ensuite été suspendues dans le quartier de l’école, à des arbres situés sur le terrain de certains parents d’élèves. Un lien communautaire est ainsi créé entre l’école, les enseignants, les élèves et les autres citoyens. Une présence visuelle est ajoutée à l’environnement, en plus de créer un sentiment festif lié à la fin de l’année.

2) Avec une école secondaire, on est en train de finaliser la préparation de poteaux qui vont servir de marqueurs pour une forêt aux essences locales plantée par les élèves au printemps, une initiative qui fait partie du projet international Forêts du monde. Chaque poteau portera l’effigie d’un animal en voie d’extinction et protégera la forêt. La peinture, le recyclage, la construction et l’intervention appropriée au cœur du paysage comptent parmi les multiples occasions d’apprentissage rendues possibles grâce à ce projet.

3) Cet hiver, comme les années passées, je vais mener des ateliers de sculpture sur neige. Les élèves vont remplir des moules de neige pour faire des moulages. Ensuite, des petites équipes se chargeront de les sculpter avec des outils variés. Le projet se concrétisera en un champ de sculptures extrêmement variées qui deviendra une exposition extérieure, un site de découvertes créatives et un lieu inspirant de partage. Mais c’est surtout une manière de profiter de l’hiver physiquement et artistiquement dans un pays où l’on oublie parfois cette fantastique possibilité dans le milieu scolaire.

En tant que membre de MASC, que gagnez-vous à proposer vos ateliers dans les écoles et dans la communauté? Comment le travail avec les élèves a-t-il inspiré votre pratique générale? 

Marc : Le contact avec les élèves et les enseignants est vivifiant. Je partage bien sûr mon expérience, mais je « vole » des idées au passage. Je garde un contact avec ma propre enfance, ce qui me permet de faire un lien avec la magnifique créativité des jeunes. En fait, chaque atelier devient un laboratoire de recherche et d’application pour ma propre pratique artistique.