Cette entrevue a été originellement publiée sur Le Pressoir

Brad Lafortune est originaire de la communauté métisse de Sudbury, en Ontario. Il travaille comme physiothérapeute à Ottawa et propose des ateliers de gigue métisse ainsi que des spectacles sur l’histoire et la culture métisse au Canada par l’intermédiaire de MASC. Selon lui, la gigue est un moyen interactif de faire participer des personnes de tous âges, tout en découvrant les subtilités de la culture métisse. Dans cet entretien, Brad parle de l’identité unique métisse créée par un mélange de cultures riches et de la possibilité d’apporter la joie de la danse dans les foyers au cours de cette pandémie.

Jessica : Le mot « Métis » fait référence à une ascendance mixte, c’est-à-dire à des personnes ayant une ascendance mixte autochtone et européenne. Mais la culture métisse est bien plus que cela. Que signifie pour vous le fait d’être Métis? 

Brad : Être Métis est bien plus que mon ascendance métisse : il s’agit de mes coutumes, de mes traditions et de l’histoire de ma famille en tant que peuple autochtone. Toutes ces choses se rejoignent pour construire une grande partie de mon identité. Je suis fier d’être Métis et du fait que je suis un descendant de deux cultures très différentes qui, une fois unies, ont permis de créer notre identité actuelle. 

Jessica : On décrit la gigue métisse comme un mélange de pas de pow-wow des Premières Nations et de danse irlandaise. À quoi ça ressemble, d’exécuter cette danse et d’en être témoin? 

Brad : Étant donné ce mélange de styles des Premières Nations et des peuples européens, je trouve que la gigue a un lien avec de nombreuses personnes. Lorsque les gens regardent la gigue, ils disent souvent qu’ils ont déjà vu quelque chose de semblable, quoique différente, par le passé. Il s’agissait peut-être de danses des Highlands, de gigues irlandaises, ou encore de danse à la manière des Premières Nations lorsqu’ils assistaient à un d’un pow-wow. La musique de gigue est très entraînante et joviale; elle donne envie de taper du pied en suivant le rythme ou encore de se lever et se mettre à bouger. Ça me donne la sensation d’être dans un canoë rempli de voyageurs métis qui traversent le territoire. En regardant les pieds aller, on voit le flair rapide des gigues écossaises combiné aux pas complexes des danses de pow-wow provenant de l’île de la Tortue. En fait, le mélange de ces danses offre un portrait des relations qui se sont formées au début de la traite des fourrures au Canada, qui s’est déroulé entre les XVIIe et XVIIIe siècles.

Jessica : En tant que membre de MASC, que gagnez-vous à proposer vos ateliers dans les écoles et dans la communauté?

Brad : Ce que j’aime par rapport aux ateliers que j’offre, c’est la possibilité d’instruire les gens sur la culture et l’histoire des Métis et des peuples autochtones. Même si je suis principalement là pour enseigner la gigue, c’est aussi l’occasion idéale d’offrir un apprentissage sur l’histoire des Métis, sur l’origine de la danse et sur les raisons de son apparence. C’est une façon pour moi de partager ma culture, mon histoire et mes traditions avec les autres tout en les faisant participer physiquement de façon amusante.

MASC me permet de partager ma culture et mon histoire par l’entremise de la danse avec de nombreuses écoles de la région d’Ottawa. J’adore terminer un atelier et voir tous les enfants me remercier pour l’expérience amusante et éducative, et me dire meegwetch et miina kawapamitin (ce qui signifie « merci » et « au revoir » en michif). Entre les ateliers, pendant la récréation, je voyais certains élèves continuer à danser dans la cour d’école alors que d’autres me montraient ce qu’ils avaient appris au moment de mon départ. J’aime voir les jeunes adopter ma culture de cette façon et partager leur apprentissage avec d’autres élèves en dehors de mes ateliers. 

Brad Lafortune en train d’animer un atelier dans une école. Photo gracieuseté de MASC.

Brad Lafortune en train d’animer un atelier dans une école. Photo gracieuseté de MASC.

Jessica : Pourquoi pensez-vous qu’il est important pour notre communauté locale d’avoir accès à des artistes professionnels?

Brad : Je crois que les artistes sont le cœur et l’âme de la culture. Les artistes, comme les danseurs, les chanteurs et les musiciens, peuvent transcender toutes les barrières culturelles ou physiques comme la langue ou l’ethnicité. Je vois ça comme une façon instinctive pour tout un chacun de se connecter à sa propre culture, ou à une nouvelle culture. Avoir accès à des artistes professionnels permet aux gens d’explorer différentes cultures, d’apprendre à les connaître et de s’épanouir autrement. Si nous voulons une communauté qui n’est pas seulement diverse, mais qui respecte et apprécie cette diversité, il faut comprendre les autres cultures et adopter une attitude accueillante à leur égard

Jessica : Vous êtes l’un des artistes qui participent à la nouvelle programmation en ligne de MASC. En tant que personne travaillant en physiothérapie et dans le domaine des arts vivants, deux professions qui nécessitent habituellement un contact de personne à personne, comment avez-vous réussi à adapter votre travail pendant la pandémie?

Brad : Il s’agit d’une adaptation, c’est certain. Une grande partie de mon travail repose souvent sur des indices physiques et visuels qui guident les mouvements, ce qui peut être un peu plus difficile à faire de manière virtuelle. Je pense aussi qu’un des éléments uniques de la danse est l’énergie qui est créée et l’ambiance qui résulte d’une pièce remplie de personnes qui bougent ensemble au son de la même musique. Mais je pense que l’adaptation fait partie de la vie d’un artiste. Les temps sont durs, mais aujourd’hui plus que jamais, je pense que les gens ont besoin d’art et de culture dans leur vie. Je pense qu’il faut saisir la possibilité d’utiliser nos formes d’art et nos spectacles pour apporter du bonheur et du divertissement dans les foyers.